3 conseils pour une agriculture de proximité à l'heure de la séparation conseil / vente
Par Nicolas JARNO le 16 févr. 2021 16:42:30
Dans le contexte actuel inédit, la Covid-19, la séparation du conseil et de la vente, l’heure est à la digitalisation pour les coopératives, négoces et agro-fournisseurs agricoles. Le digital oui mais pas n'importe comment ! Il doit être au service du lien humain et sa mise en place accompagnée au sein de vos équipes technico-commerciales et des agriculteurs. 5 spécialistes nous partagent leurs conseils pour rester le plus proche possible de vos adhérents / clients agriculteurs.
- Personnaliser le contact des conseillers d'exploitation et technico-commerciaux auprès des agriculteurs
- Utiliser le digital pour favoriser une agriculture de proximité et faire connaitre les nouveaux services proposés aux agriculteurs
-
Dire stop aux techniques de vente basées sur des produits phytosanitaires ou engrais "les moins chers"
1- Personnaliser le contact des conseillers d'exploitation et technico-commerciaux auprès des agriculteurs
Cédric Bosselut, responsable commercial France chez Nutrilac, conseille à ses technico-commerciaux de prendre rendez-vous avec l'agriculteur et de préparer au maximum l'entretien. Il s’agit certes « d’aller au contact », mais avec un fichier clients, d’organiser des tournées et de s’adapter au maximum à la disponibilité et au temps que nous dédie l'agriculteur. Chaque TC doit avoir en tête les préférences relationnelles de ses agriculteurs. Avant chaque rendez-vous, se remémorer l'historique des échanges.
Cédric Bosselut qui, après onze ans comme technico-commercial chez Néolait, est devenu responsable commercial France chez Nutrilac explique : « Fidéliser et prospecter est un exercice d’équilibre permanent, à l’image d’une corde tendue. Trop tendue, la corde casse et trop souple, le lien n’est pas présent. Il s’agit donc d’être présent mais pas trop. Le rythme de visite doit correspondre à ce que l’entreprise vend à l’agriculteur. Pour du machinisme, une visite par an, c’est bien. Pour de la nutrition animale, passer tous les mois me semble un bon rythme. »
Dans un univers où chaque minute compte et où la charge de travail est souvent conséquente comme en agriculture, à quel moment le client est-il disponible pour échanger ? Jean-Marc Lehu, enseignant chercheur en marketing à Paris et auteur du livre « Stratégie de fidélisation » (1) évoque la question de « la disponibilité conversationnelle » du client. Est-il dans sa comptabilité ? Dans son tracteur ? En plein vêlage ? « Les outils connectés se développent et paradoxalement, nous n’avons jamais été aussi peu disponibles » relève Philippe Beaupré avant d’ajouter « Au cours de la journée, votre disponibilité évolue et vous n’êtes pas le même, sur le plan émotionnel, le matin, à midi et le soir ».
Stéphane Labracherie, technico-commercial dans la nutrition animale révèle « J'aide les éleveurs dans leurs problèmes », relève-t-il. Une plus-value appréciée par ses clients tout comme le fait d’être un vecteur d’informations entre exploitations.
« Si on n’aime pas les gens, on ne fait pas ce métier », explique-t-il sans détour . A plus de quarante-cinq ans, il est entré dans l’entreprise il y a quatre ans, et il a déjà multiplié son chiffre d’affaires par trois.
Pour les aider dans leurs problèmes, Stéphane estime avoir une obligation de retour sur investissement avec chaque produit ou service qu'il vend. La promesse qu'il fait à chacun de ses clients est la clé pour établir une relation de confiance à long terme.
« Il faut être curieux », souligne ce dernier qui « n’hésite pas à traverser tout le département dans la journée pour une demande urgente. ». Personnaliser le contact, pour lui, « c’est avant tout être d’une très grande écoute, une grande disponibilité ».
Il ne force pas à la vente et rapporte les propos d’un de ses clients : « Je te l’achète à toi car tu n’es pas intrusif ! ».
(1) « Stratégie de fidélisation » de Jean-Marc Lehu - 2003 – Editions d’organisation chez Eyrolles
2- Utiliser le digital pour favoriser une agriculture de proximité et faire connaitre les nouveaux services proposés aux agriculteurs
Le digital ne remplace pas la relation avec le technico-commercial ou TC agricole souligne Cédric Bossulut, en insistant sur la nécessité « de garder ses technico-commerciaux suffisamment longtemps dans l’entreprise. En effet, un agriculteur met environ deux ans à faire confiance. »
Cédric Bosselut conseille un blog, une lettre d’informations, voire un magazine technique « à cheval entre la France Agricole et le catalogue publicitaire » afin de garder du lien et de faire connaitre les nouveaux produits. »
Sébastien Nouveau, Directeur d' ISAGRI Ingénierie a lancé le 20 Janvier 2021 une toute nouvelle application Doctofarm pour renforcer la proximité entre les coopératives, négoces, agrofournisseurs et les agriculteurs. Il précise « Doctofarm est avant tout un moyen pour les agriculteurs et leurs conseillers d’interagir entre eux et de gagner en réactivité. Grâce à son interface intuitive, chaque agriculteur accède facilement à son profil, ses contacts techniques et à l’ensemble des informations envoyées par son ou ses partenaires privilégiés. » Sébastien Nouveau complète « les TC peuvent très facilement envoyer des alertes et notifications à leur portefeuille d'agriculteurs pour annoncer la disponibilité de produits, rappeler les rdv pour réaliser les PPF et de multiples autres informations...»
3- Dire stop aux techniques de vente basées sur des produits phytosanitaires ou engrais "les moins chers"
Jean-Marc Lehu, enseignant chercheur en marketing à Paris évoque « C’est une démarche de proximité plus grande avec mon client. Vous n’avez plus de clients, vous avez des partenaires. » Cela implique une relation de confiance, soit « ne pas déranger, tenir ses promesses, être en adéquation avec ce que l’on vend, etc. » Il s’agit d’une relation de long terme, basée sur le lien et non plus sur du « moins cher ».
Avec la data et le digital j’ai beaucoup d’informations sur mon client que je n’exploitais pas avant. Et pour que mon client ait envie de revenir et qu’il soit satisfait, je dois mieux le connaître.
Un point de vue partagé par Philippe Beaupré, consultant chez Your Sales Team, qui explique « Un besoin est un problème qui est devenu critique au point de remettre en question le comportement de l’agriculteur. Un problème, on vit avec même si on n’a pas la solution. Un besoin fait passer à l’action. Il s’agit alors de ne faire des propositions que sur des besoins. »
« Les agriculteurs ne changent pas par plaisir mais par nécessité », observe Philippe Beaupré. « Il s’agit d’une investigation, qui doit impérativement amener une réflexion » soit faire prendre conscience, sans imposer que son choix antérieur n’est plus le bon.
Il faut aussi avoir en tête qu’en parallèle, un agriculteur peut aujourd’hui, à tout moment, chercher l’information sur internet, encore faut-il qu’elle soit bonne ! « Pour le commercial, la remarque la plus dangereuse de la part du client, c’est : ”Fais-moi une offre ! ” En effet, si les enjeux et la problématique du client sont mal compris, l’offre n’aboutira pas. »
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